Choesels au madère
Le mot « choesels» est un terme de terroir, autrefois inconnu en dehors de l’agglomération bruxelloise. Tous les ans, les étrangers qui visitent dans la saison hivernale et principalement en décembre notre bonne capitale, sont très étonnés de voir coller aux devantures d’un grand nombre d’établissements: restaurants, tavernes, brasseries, jusqu’aux estaminets de vieille souche, où les modernes apéritifs n’ont pas encore pu trouver la moindre place auprès du populaire faro et de là gueuze traditionnelle, de belles banderoles-affiches portant invariablement la même mention: « Tous les jeudis, choesels au madère ».
Si les étrangers se demandent avec curiosité, qu’elle spécialité de terroir peut bien déceler ce mot bizarre – choesels– dont aucun lexique, aussi volumineux soit-il, ne daigne faire mention, et s’ils interrogent alors dans leur entourage, neuf fois sur dix, les gens quoique de purs indigènes, sont incapables de leur répondre autrement que par cette phrase stéréotypée: « Des choesels ? c’est des choesels! « .
C’est que les choesels, quoique un plat bien national et entre autre très goûté par les Bruxellois, compte parmi les amateurs bien peu qui savent exactement ce qu’ils vont déguster lorsque le jeudi, jour sacramentel, ils franchissent, sur le coup de sept heures, le seuil de l’ établissement familier.
Quel est donc le secret de ce plat?
C’est tout simplement l’adaptation culinaire du pancréas du bœuf ou du veau. Mais étant données les dimensions relativement minuscules de l’organe en question, et vu la largesse avec laquelle on sert la portion, nos braves cuisiniers belges on fait appel à d’autres éléments plus ou moins similaires, pour renforcer l’insuffisant pancréas, tel que queue de bœuf, ris de bœuf, poitrine de veau et de mouton, pieds de mouton et rognon.
En voici la préparation:
Formule authentique:
– Les plus beaux choesels comme poids varient entre une livre et une livre et un quart; d’habitude on donne deux choesels par convive, car une fois dépouillés, énervés et bien parés, la portion n’est pas trop excessive pour un amateur.
On mettait quelques oignons détaillés en lames minces dans une casserole, avec du beurre que l’on faisait cuire doucement sur le coin du feu; pendant ce temps, on découpait les choesels en morceaux carrés, que l’on plaçait sur les oignons bien assaisonnés, on ajoutait un fort bouquet garni, puis on mouillait de bonne et succulente bière de lambic.
La cuisson durait une heure et demie, parfois un peu plus. On dégraissait, on ajoutait du vin de Madère, puis on liait avec du beurre manié de farine ou de la fécule; on les servait ainsi dans un grand plat rond creux en terre, accompagné d’un plat rond creux de bonnes pommes de terre cuites à l’eau, bien farineuses, qui sont, du reste, le complément indispensable des choesels.
Comme bien l’on pense, si la base fondamentale de cette préparation reste invariable, la manière varie avec chaque cuisinier qui l’entreprend.
Un détail que bien des amateurs de choesels ignorent sans doute, c’est que la préparation de ce plat favori est extrêmement longue, puisque la queue de bœuf à elle seule réclame au moins trois heures de cuisson. C’est la raison pour laquelle on ne le sert généralement que le soir. D’autre part, sait-on pourquoi on a choisi, avec un ensemble parfait, le jeudi pour mettre en vente, les fameux choesels au madère? C’est que le jour fatidique du jeudi choisi s’explique par ce fait que les indispensables pancréas ne se conservent pas, ils doivent être consommés sans délai, et le jeudi est précisément le jour des grands holocaustes, aux divers abattoirs de la ville, et c’est pour servir les pancréas dans toute leur fraîcheur qu’on l’a très logiquement dédié aux choesels.
Formule actuelle:
Dans une casserole mettez:
- une livre d’oignons coupés,
- un bon morceau de beurre,
- ajoutez-y une queue de bœuf découpée en tronçon, un bouquet garni, trois clous de girofle, noix de muscade râpée, poivre et sel et faites prendre couleur.
- Mouillez-le tout avec une bouteille de bière lambic.
- Laissez cuire au feu doux environ deux heures.
- Ajoutez ensuite une livre de poitrine de mouton découpée en petits morceaux et donnez une nouvelle cuisson de vingt minutes.
- Pendant ce temps, dégraissez cinq pancréas, mettez-les dans la casserole avec une livre de poitrine de veau également découpée, six pieds de mouton blanchis et déjà cuit aux trois quarts et découpés, un demi rognon et un ris de bœuf séparés en tronçons, laissez étuver le tout jusqu’à cuisson complète. Un quart d’heure avant de servir ajoutez quelques fricadelles de viande de veau hachée, assaisonnée et mélangée avec un œuf entier battu et une poignée de champignons.
- Au moment de dresser le plat, ajoutez-y un grand verre de madère.
Extrait de la cuisine au pays de Manneken-Pis I Stevens bxl 1946
Photo: http://www.celsiusprod.com/2011/03/16/comme-chez-moi-viva-mboma-bruxelles-saison-1/
Sacrée recette!
Zara
la je vient d’apprendre quelque chose
je suis pourtant Bruxelloise, mais je pensait que des choesels etaient des testicules » interdit de rire »
ta recette me parait delicieuse et a essayer
merci a toi
Tu as totalement raison, tu sais je suis une fois « né natif » d’Etterbeek » et ça avant la der-des-der, alors pas besoin de me raconter des carabistouilles, les choesels sont simplement des testicules. Comme une paire de C de taureau devenu boeuf, ne vont pas loin et, comme disait mère-grand, il faut bien allonger la sauce avec d’autres abats. La sauce madère c’est simple: tu tiens la bouteille de la main gauche, la spatule de la main droite, une rasade de madère ici, ume lampée lâ-bas. Comme en ces temps heureux il n’y avait pas de web-cam et que même la Paillard huit mm n’avait été inventée, les proportions sauce/Maman restent obscures, suffit de dire que Maman était de fort joyeuse humeur, la sauce délicieuse et la bouteille de madère vide!
Ne vous offusquez pas mais » les laitances » de maquereau ou de hareng c’est quoi au juste ?
JP
entretemp j’ai regarder sur le web et il parle » d’animelles » soit testicules d’animaux
en tant qu Alsacien je ne connaissait pas ce plat, si je vais un jour a bruxelle je le gouterai volontier.
ce plat est long a preparer mais cela implique sans aucun doute une qualitée gustative incomparable.
merci de nous faire partager cette recette de terroir originale.
alors bruxelloise de nature mais n’y vivant plus, j’ai connu pendant plus de 30 ans « la période faste des choesels » dans un bistot « chez Wirske » hélàs disparu, la kermesse au choesels près des abattoires d’anderlecht, préparés avec des tripes, des abats etc ….ET la sauce madère …. On faisait la file pour avoir place et déguster avec du pain français cette superbe recette que je n’ai jamais pu retrouver …. quels excellents souvenirs …. J’essaie cette année pour la première fois de refaire un peu identique ….
a essayer